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Mister B, Or la loi, Diam’s, Kiss Me et Z sont les héros de ces aventures acrobatiques gonflées à bloc à la recherche des origines d’une pandémie de Covid-19. Dans la vie de tous les jours les borders collies accompagnent l’illustratrice animalière El-Hayaa, artiste de rue et danseuse contemporaine. Victorine en est l’audacieuse et pétillante autrice de succulents textes. Tout en distillant joie et pédagogie, les Éditions IL ÉTAIT UN BOUQUIN s’emparent du sujet des zoonoses, peu traité dans la littérature jeunesse. Il était temps.
Le border est un chien de travail : pendant toute la dégustation de cet album qui défile à cent à l’heure, il est donc naturel qu’il ne cesse de chercher, fureter, l’œil vif et la truffe réactive. Nous sommes en 2013, un petit village de Dordogne se réveille dans un monde ouaté de silence. La bande d’amis décide d’enquêter sur l’origine de la mystérieuse pandémie mondiale qui vient de s’abattre sur la planète. Chang le pangolin, un phasme, Cagouille l’escargot et des chauve-souris, tous ont une partition à jouer. Vous avez sûrement deviné leur prochaine destination : la Chine.

El-Hayaa peut passer une semaine sur un seul dessin de ses chiens, pour y mettre toute la lumière et les ombres qui les rendent si spéciaux et magiques. Une intensité en miroir de cette femme aux 1000 vies ! En hauteur sur une nacelle, la truffe extatique au ras du sol, les coussinets dynamiques perchés sur un gratte-ciel, en équilibre sur un skate, à bord d’une montgolfière, tout est prétexte à l’éclate collective. Aspirés par un bunker qui les fait passer de la Dordogne à la Chine, nos explorateurs suivent de grands cormorans vers Wuhan tentaculaire et high-tech opposée à la vieille ville et son traditionnel marché aux animaux vivants. Chiens, poules, pangolins y sont entassés dans de minuscules cages sordides.
Prochaine étape du voyage ? Le survol du parc de Zhangjiajie ou bien nommé pays d’Avatar aux colonnes de pierre érigées vers le ciel, forêts luxuriantes et vues panoramiques à couper le souffle. Ils tombent truffe à nez avec un Bouddha au buste sculpté directement dans la roche avec une tête de plus de 16 mètres. Un décor rêvé pour ces infatigables aventuriers qui glissent, rampent, sautent et dévalent les pentes. La fatigue ? Ils ne connaissent pas ! Les premiers signes de contagion mortelle de l’animal vers l’homme semblent provenir d’une vieille mine de cuivre et ses résidentes chauve-souris. Signal de départ pour nos Acro-pattes. Vont-ils tous en ressortir indemnes ?

Durant la pandémie de 2020, le réservoir de virus était très probablement animal. En prenant pour enquêteurs cette troupe attachante au moral boosté à la joie de vivre ne lâchant jamais l’affaire, la BD sensibilise les petits à des réalités lointaines trop rarement évoquées. Il aura fallu que le monde entier soit cloitré derrière ses fenêtres pour s’enquérir du sort de ces milliards de pangolins, chiens ou poules anonymes coincés entre les mailles des filets. Les marchés aux animaux existent à Wuhan, à Yulin l’indicible cruauté de la fête de la viande de chien fait rage tout comme le commerce illégal de sublimes créatures sauvages en Asie mais aussi en Afrique et en Europe. La liste est longue. Entasser des animaux dans des élevages industriels et de funestes hôtels à cochons, leur ôter la vie pour leur fourrure, leur chair, ou leur potentiel génétique est une aberration facteur de multiplications de risques sanitaires à la chaîne. Par-dessus tout : la souffrance de tous ces êtres vivants sentients fait honte à l’humanité.
Cet album organique décrit les éléments avec force – eau, terre, mer – tout en dénonçant la situation critique de certaines espèces animales en voie de disparition comme le douc à pattes rousses, le panda géant ou le singe au nez retroussé. Un écosystème qui voit ses habitants disparaître est voué à s’affaiblir : les interactions diminuent et s’appauvrissent. Pour ralentir l’effondrement de la biodiversité, il faut penser à retisser la toile du Vivant.

Tout l’amour d’El-Hayaa pour sa tribu rejaillit dans des illustrations gorgées de VIE. Chaque individu a son propre caractère : le costaud, la fofolle, l’intrépide, la timide, le cerveau de la bande. Ils semblent être au premier plan du dessin comme un effet d’optique alors que le fond lui défile : montagnes, forêts, village, plaines, jardin en Dordogne. Leurs regards hypnotisent et nous enjoignent à les suivre dans leur prochaine aventure. Sur papier glacé, le dessin est plus vrai que nature : expressions, bonds, émotions sont croqués avec une très grande maîtrise. Le mouvement est permanent car il y a urgence de savoir.
Au salon du livre animalier de Périgueux en octobre 2025, l’éditrice, l’illustratrice et Z semblaient former une sacrée bande ! Et le résultat est de très grande qualité. Une BD qui a du chien avec spéciale dédicace par le cerveau canin de la bande. Que demander de plus ?