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Pionnière du shiatsu équin en France, Opportune Coste a ce lien indicible avec le règne animal depuis l’enfance. Elle en a fait son cheval de bataille. Elle délivre en 11 textes inspirés un message clair. La soumission de ceux qui nous faisaient confiance a pris fin : la confiance s’est résorbée comme peau de chagrin et les animaux prennent la parole. Pour habiller ses mots, les dessins délicats et évocateurs de Gozul témoignent de toute l’absurdité d’un monde où il n’y aurait plus d’animaux : entendons-nous bien, où il n’y aurait plus d’animaux LIBRES. En lice pour le prix LIRENVAL 2025, ce vibrant plaidoyer éclaire nos consciences endormies.
L’odorante plaine du Masaï Mara est un lointain souvenir pour Samba, éléphante percluse de stéréotypies qui se balance pour tromper l’angoisse. Jambe droite, jambe gauche, la trompe sert de métronome pour calmer la terreur et la solitude d’une cage de cirque. Seule sa mémoire ne connaît pas de frontières. Les cétacés se laissent attendrir par nos frêles silhouettes sans nageoires. Ce cadeau qu’ils nous font quand ils s’approchent de nous et se laissent caresser, cette confiance qu’ils mettent en nous alors qu’ils pourraient nous pulvériser : nous ne leur rendons guère. C’est donc en confiance totale qu’ils frôlent ces drôles d’immenses bateaux usines : mouroirs sur l’eau, où sang et terreur se mêlent aux rires gras de ceux qui ne savent pas qu’ils commettent l’irréparable. Si les océans se vident, nous mourrons nous aussi.
Les taureaux d’Andalousie connaissent l’ivresse, le temps de grandir à l’ombre des chênes lièges pour mourir à petit feu dans l’arène surchauffée de bravos hystériques. 20 minutes de torture. Une vache sait quand son petit va lui être enlevé, elle le sent, c’est une mère. Elle passera 2 jours à le pleurer, pendant qu’il sera parqué et isolé dans un box noir aseptisé.
La déforestation pour l’huile de palme a rapatrié les habitants des forêts derrière des barreaux de zoo, pour la vie. Finie l’amplitude joyeuse et légère de la liberté. L’Orang Outang de Sumatra est une espèce en voie critique d’extinction, on lui colle une femelle dans les pattes, pas sûr que ces 2 là aient envie de poursuivre l’aventure de la transmission.
Un lion confiné au cirque raconte son quotidien :
6h
Il fait encore nuit ; les volets du camion sont fermés
1,2,3 pas. Demi-tour…1,2,3 pas…
Aïe.. emporté par l’élan de mon ennui, j’ai fait de trop grand pas, et ma tête a heurté la paroi de ma cage..
Les cicatrices sans poils sur mon front me rappellent chaque jour douloureusement les frontières de mon espace
8h
Par les interstices de la cloison j’aperçois les lueurs du jour qui se lève
1,2,3 pas. Demi-tour…1,2,3 pas…
9h
Les volets du camion s’ouvrent. La lumière blafarde de ce matin d’automne éclaire le parking désaffecté qui sert de résidence au cirque en saison hivernale. Il pleut
1,2,3 pas. Demi-tour…1,2,3 pas…
11h
Un peu d’animation règne au milieu des caravanes. Des voix résonnent. Je tends l’oreille, guette les rugissements des autres lions dans les cages voisines. Au loin, derrière le chapiteau désert, j’entends les éléphants barrir.
1,2,3 pas. Demi-tour…1,2,3 pas…
13h
J’accélère mon parcours le long des grilles de ma cage : c’est l’heure du repas !
123 pas…123 pas…123 pas…13 pas
Je salive d’impatience, rugis de nervosité : je lèche les grilles pour tromper ma faim
13h30
Enfin !
Plusieurs carcasses de volailles sont poussées dans ma cage par la trappe de sécurité : et aussi un gros morceau de bœuf, accompagné, ô suprême délice.. d’un os !
Le soigneur remplit mon écuelle d’eau. Je gronde de colère quand il s’amuse à taper sur les grilles de ma cage avec son fouet.
15h
Le moment est presque délicieux : allongé, le ventre plein, je somnole, les yeux mi -clos. J’aimerais rêver à quelque chose, mais je ne sais pas à quoi…
17h
Je ressens le besoin d’uriner et de déféquer. Je voudrais pouvoir m’isoler et gratter le sol pour enfouir mes excréments : je me contente de les recouvrir avec quelques copeaux sales qui tapissent le sol de ma cage.
18h
Le gardien vient nettoyer les cages. Nous avons donc le droit , à tour de rôle, d’accéder à l’espace détente qui dresse ses grilles sur le bitume. Que c’est bon de pouvoir marcher en ligne droite, presque courir… 2 ou 3 foulées. .. Je me roule sur le sol avec bonheur : tant pis s’il est humide et froid.
19h
Nous avons tous regagné nos cages. Une litière de copeaux secs recouvre le sol.
Je mâchonne le reste de l’os en regardant la lumière du soir décliner derrière les immeubles.
Puis je lèche ma patte et la passe soigneusement derrière mon oreille pour nettoyer mon pelage.
20h
Fermeture des volets du camion. Les bruits s’éteignent peu à peu. Je perçois encore quelques feulements dans les cages voisines.
La nuit va être longue….
1,2,3 pas. Demi-tour…1,2,3 pas…
La Terre est malade, et dans un sursaut pour sa survie elle craquèle, envoie des vents meurtriers, des canicules dévastatrices, des feux de géant, des glaciers qui fondent, des banquises qui chancellent.
Existe-t-il un recours en grâce ? Les espaces sont faits pour être partagés mais l’homme continue d’empièter sur le territoire de l’animal. Les animaux s’adressent à nous ‘Confiants, nous avons naturellement décidé de renoncer à notre capacité d’utiliser la parole, afin de mieux te laisser conduire le monde’. Le choix n’est plus aussi judicieux, et le doute s’immisce (…) ‘Si nous avions depuis des millénaires, renié notre capacité à la parole, c’est aujourd’hui une ère révolue’. Les animaux prennent enfin la parole et se rebellent.
Opportune Coste a cette plume qui dit beaucoup et fort dans des textes ramassés, aussi efficaces qu’un uppercut. Elle fait des animaux ses porte-parole pour porter haut et fort sa tristesse, sa révolte et sa colère. Les mots ont un impact quand ils sont portés avec fièvre : les dessins de Gozul habillent avec une délicatesse bienvenue tout ce magma d’injustices et d’exploitations.
Il y a quelques jours en Inde lors d’un grouillant d’hommes et de femmes en liesse, un éléphant croulant sous le bruit et le stress a fait 23 blessés, pris d’une terreur indicible. On ne s’échappe que de ce qui nous enferme.
Dans le bruit du monde, ‘PAROLES ANIMALES donne à voir une lumière dans le chaos : chaque espèce animale est devenue notre bien le plus précieux. Un texte pur à mettre entre toutes les mains pour mieux atteindre le cœur.