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En entremêlant stylos et pinceaux, Opportune Coste et Béatrice Boisseau-Chapuis s’emparent du mystère animal en 44 éblouissants portraits. La première est une des pionnières du shiatsu-équin en France. Ses écrits poétiques inspirés nous percutent en douceur. La seconde récompensée par plusieurs prix et distinctions, éclabousse nos psychés avec ses peintures éclatantes de talent brut. Ces 2 ambassadrices donnent la parole au peuple animal qui a quelque chose à nous dire. Une fresque grandiose.
Les éditions LE PRÉ DU PLAIN explorent et rendent hommage aux habitants des forêts, étangs, prairies, savanes, océans ou montagnes. La collection « Pré-au-carré » laisse s’épanouir l’œuvre picturale magistrale et en écho sensé, la flamboyance des textes. Les 2 se répondent dans un format carré bienvenu. Comme dans l’enfance, nous voilà à nouveau de plain-pied avec le monde animal en pleine célébration de l’innocence. Parfois préservée, trop souvent bafouée.
Nous posons notre regard sur eux et en retour, ils nous accrochent dans le faisceau de leurs pupilles et s’adressent à nous. Si le choix du cheval se porte sur l’humain pour être son compagnon, la souris elle, nous supplie de mieux la considérer. Le chien de St Hubert est un sauveur au courage ardent alors que l’esprit du hérisson maintiendra sur le fil de la vie, 2 prisonniers de guerre. Histoire vraie cher lecteur. Ô temps, suspends ton vol : l’affut du caracal nous cloue au sol pendant que le pélican fait l’admiration du Dr Schweitzer. L’éléphant nous exhorte à affuter nos perceptions pour mieux comprendre son espèce. Vibrisses, plumes, poils, griffes, truffes, jouissent de chaque particule de liberté. A l’inverse, le grand pingouin, le dernier des siens, a son nom gravé dans un musée obscur pour informer le visiteur qu’il n’existe plus. La lionne alanguie, rêve d’herbes folles africaines brutalement réveillée par la fanfare du cirque. Cruelle réalité. L’ourse polaire affamée assiste à l’effondrement de l’iceberg qui engloutit sa prière sous un raz de marée d’indifférence. Que vont devenir ses oursons ? Le panda dans son enclos ne veut pas être conservé, il veut être libre ! L’humain a asservi sa forêt. Singe, rhinocéros sont eux aussi sous le joug des hommes au nom de délirantes chimères.
Le lémurien dans sa forêt de tamariniers qui protège l’âme des ancêtres porte sur nous un regard dissipant toute frontière entre homme et l’animal et renforce ce lien entrelaçant nos 2 mondes. Depuis la nuit des temps, ours brun et humains partagent les mêmes territoires, l’un est la face sauvage de l’autre.
Parfois l’humain s’en mêle et parfois un tigre renaît, voilà ce qu’il ressent :
« Inexorablement, les vapeurs de l’anesthésie obscurcissent ma vue, je perds connaissance. Un souffle discret caresse mes vibrisses pour m’éveiller, il m’apporte des effluves inconnus. Ma vision encore brouillée cherche les frontières de mon espace, je ne parviens pas à distinguer les barreaux qui régissent mon univers (…) D’ordinaire pour arpenter mon domaine, je longe les grilles jusqu’à heurter la cloison du camion, puis je règle la cadence de mon pas sur un automatisme immuable. Ici, je ne perçois aucun repère. Un vertige anxieux me plaque au sol. (..)Une vague de douceur inonde chaque atome de mon corps, le parfum envoûtant qui monte de l’humus ranime des sensations gravées au plus profond de mes cellules. ( )
Il lui faudra du temps pour oublier l’enfer du cirque, la cage, le fouet et les cerceaux enflammés, soupire le directeur du refuge »
Dans ces peintures, les projections d’encre, de pigments, de matières, de couleurs vives, le travail précis de certaines parties du sujet et à l’inverse le délaissement d’autres portions, suggèrent la disparition graduelle de l’animal. Chaque sujet nous guide vers une traversée onirique tout en rappelant sa vulnérabilité par la fluidité du trait et l’absence de fond. La peinture est centrée uniquement sur l’animal, le biotope n’est pas représenté, les éclaboussures ou l’absence de contour évoquent son effacement progressif. Le texte lui explose de sensualité et de grâce. Les détails sont ciselés tels des diamants bruts.
L’art contemporain exprime le regret du lien vital de notre humanité perdue. L’utilisation de l’animal au-delà de ce qu’elle dénonce pose enfin une question éthique et la légitimité d’une telle démarche artistique.
ART ANIMALIER À 4 MAINS c’est aussi la rencontre entre deux sensibilités inspirantes qui auront trouvé l’harmonie dans leur complétude afin d’alerter sur l’exploitation, l’extinction et les menace qui pèsent sur de nombreuses espèces. En les apprivoisant à coups de stylos et de pinceaux, elles nous invitent à explorer le mystère de nos différences tout en laissant libre cours à la parole animale toujours aussi bien clairvoyante. Un ouvrage précieux à mettre en toutes les mains qui peut être commandé en librairie ou sur le site de l’éditeur : lepreduplain.com