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Contrairement aux idées reçues, l’Europe joue bel et bien un rôle déterminant dans la question si politique de la condition animale. Dans leur dernier ouvrage « LUTTER CONTRE LA SOUFFRANCE ANIMALE – POUR UNE EUROPE DES ANIMAUX » Pascal Durand député européen et vice-président Intergroupe sur le bien-être animal au Parlement et Christophe Marie, directeur adjoint de la Fondation Brigitte Bardot, dressent un bilan en demi-teinte de la législature 2019-2024 avec ses blocages et ses leviers.
Un double constat s’impose d’emblée : nous sommes profondément concernés par le sort des animaux cependant aucune décision politique courageuse n’est prise de manière drastique pour améliorer leur bien-être. La France a d’ailleurs été plusieurs fois devant la Cour de Justice et incarne le mauvais élève de l’UE. Un des préjugés qui a la vie dure : les obstacles ne viennent pas de l’Europe mais bien des ministres de nos gouvernements successifs soumis au diktat des lobbies. Du côté des associations et des citoyens, la foule commence à gronder avec ce même sentiment de défiance à l’égard des représentants politiques. Dans la partie adverse, on prend la chose de plus en plus au sérieux, le ton monte, les invectives sont stériles.
A la lecture de cet ouvrage utile, engagé et réaliste, nous prenons toute la mesure de l’enjeu qui nous revient : notre destin est lié à celui des animaux, ils ont des droits car ils comptent pour eux-mêmes. Progrès et lutte passeront par l’Europe. Devenue sujet de société la cause animale fait débat et nous invite à nous redéfinir en considérant la communauté de destins que nous partageons avec eux. Dans une première partie les auteurs analysent d’un regard croisé ce qui a été fait au niveau européen : accessible à tout lecteur, le livre appréhende les rouages du système institutionnel en exposant l’état actuel de la situation, les solutions et les perspectives à venir. Le levier essentiel reste le vote, les eurodéputés étant directement élus par les citoyens. Les prochaines élections européennes du 9 juin représentent une formidable opportunité de légiférer et d’ enrayer la souffrance animale. Les citoyens se préoccupent de plus en plus des conditions d’élevage. C’est Brigitte Bardot en 1962 qui lance son premier appel dans « 5 colonnes à la une » et qui obtiendra avec l’appui de l’OABA, l’obligation d’étourdir les animaux à l’abattoir. En 2024 des vidéos accablantes et cauchemardesques de L214 montrent l’étendue du chemin à parcourir pour faire respecter la loi. Les vaches laitières elles, ne bénéficient d’aucune législation. La rentabilité devient le maître mot avec l’instrumentalisation de l’animal. L’Union Européenne se doit d’être la locomotive et non le dernier wagon de l’innovation dans ce domaine. A l’heure où des élevages concentrationnaires se font plus nombreux, les gens s’inquiètent pour leur santé. Plusieurs actions sont à engager : des États Généraux de l’Alimentation et de la Question Animale, une meilleure information destinée aux consommateurs, une véritable initiative citoyenne européenne. Le courage politique n’est plus une option !
Le conservatisme est fort ancré à l’évocation de l’expérimentation animale. En Italie comme aux Pays Bas il y a un droit à l’objection de conscience pour étudiants et chercheurs souhaitant refuser le modèle animal. La réalité est sordide en France : malgré une franche opposition citoyenne, de plus en plus de tests cruels sont pratiqués dans la pénombre de lugubres sous-sols insonorisés. Plus de moyens, moins d’opacité, des comités d’éthiques impartiaux : voilà ce qu’il faut. L’un des enjeux majeurs à venir de la prochaine législature 2024-2029 prévoit une révision de la Directive sur l’expérimentation animale.
En gagnant du terrain et en se l’appropriant sans complexe, l’humain a bouleversé l’ordre initial condamnant une grande partie du sauvage à s’adapter tant bien que mal. Le partage des espaces devient peau de chagrin. En nous inclinant avec béatitude devant le progrès technique, nous avons bouleversé l’état du monde. Si la Convention de Berne vise à préserver la vie sauvage, elle est aussi l’objet de multiples dérogations. Le lobby de la chasse lui, continue de jouir de nombreux privilèges. En 1978 Brigitte Bardot se rend au Conseil de l’Europe pour clamer sa colère face au massacre des bébés phoques : aujourd’hui l’embargo épargne chaque année plus de 350 000 phoques.
A l’échelon européen les politiques doivent anticiper l’évolution d’une société dont ils sont trop souvent éloignés. La question animale évolue à toute vitesse, passée de sujet de raillerie à sujet de société : il leur faut privilégier l’intérêt général à l’intérêt particulier. La France est confrontée à d’autres gouvernements plus soucieux de faire avancer la cause, la tirant vers le haut. Le sempiternel « Ce n’est pas possible » dégainé comme l’arme fatale, n’est plus acceptable. Les choses doivent avancer en parallèle à l’échelon national. La loi du 30 novembre 2021 contre la maltraitance animale est une avancée sans précédent. Nul doute que les vidéos de L214 sont l’expression d’une sensibilité abolitionniste qui va grandissant. Notre classe politique ne peut plus détourner le regard dans une indifférence coupable.
A la lecture de ce bilan 2019-2024, les auteurs soulignent une certaine volonté d’agir teintée de frustration tant la demande de la société est palpable et pressante. Bien-être animal et prospérité économique ne sont pas antagonistes, gageons que le temps du mépris et de notre propre suffisance est désormais derrière nous. In fine, la défense d’êtres sentients qui vivent à nos côtés et meurent de notre fait, reste une question de volonté politique et de courage.
Au Danemark l’étourdissement obligatoire des bêtes avant l’abattage est obligatoire depuis 2013. En France, l’égorgement en toute conscience est encore autorisé, principalement pour des raisons religieuses. Même si les opposants les plus féroces restent les industriels. Au Royaume Uni comme en Wallonie, la vidéosurveillance est obligatoire dans les abattoirs. En France, le débat est vif, les textes creux, le rapport de force permanent. Les vidéos L214 pallient la démission des pouvoirs publics.
Concernant nos animaux qui nous tiennent compagnie, la France fait pour une fois figure de bon élève dans la gestion des différentes normes applicables. Si elle pouvait une fois pour toute disparaitre de son rang de premier pays européen en termes d’abandons, la boucle serait bouclée. La corrida est condamnée par 75% des Français et pourtant le romantisme du torero fait mouche dans quelques villes du Sud. La culture d’un pays c’est ce qui rassemble et non ce qui divise alors prenons exemple sur la Catalogne, berceau de la corrida, qui a aboli cette pratique.
Pour que la France caracole en tête du premier rang mondial de production de foie gras, 80 millions de canetons naissent chaque année (la quasi-totalité des femelles sont gazées ou broyées). Le lapin lui n’a pas un bon karma sur cette terre. A ce jour aucune règlementation spécifique n’existe : 99% de lapins sont élevés en batterie. Une vie en enfer. En France un cerf traqué et désespéré peut trouver refuge dans votre salon entre le canapé et la tv. En Angleterre, Allemagne, Belgique, Ecosse cette pratique d’un autre temps a été abolie.
Concernant les animaux de cirques il faudra attendre 2028 pour une interdiction totale de détention. Encore faut-il trouver des lieux d’accueils adaptés pour toutes ces merveilleuses bêtes réduites à l’esclavage sous les rires et les paillettes de la honte. Les dephinariums ont pour interdiction dès décembre 2026 de ne plus faire inutilement emprisonner des cétacés dans des bassins de la taille d’une boîte à sardines.
Chiens de sécurité au sort funeste, fermes à sang sordides, homards ébouillantés vivants (la Suisse interdit cette pratique depuis mars 2018), galgos d’Espagne, ânes de Santorin : la liste est encore trop longue. Pour leur rendre leur dignité, quoi de plus symbolique que de leur accorder une personnalité juridique. Avec la réforme de 2015, le Code Civil marque une avancée importante. Son prestige a une influence indéniable sur n’importe quelle autorité judiciaire, ; les animaux étant désormais vus comme des êtres vivants doués de sensibilité, le juge pénal pourra plus sérieusement tenir compte de la législation.
Début mai le Parlement fédéral belge a adopté l’inscription du bien-être animal dans sa Constitution. Ce vote est historique et envoie un message fort à tous les pays de l’UE ! En France 7 personnes sur 10 y sont favorables. Une loi est faite pour protéger un enfant ou toute personne en situation de faiblesse, elle protège par esprit de justice et d’équité : l’animal doit être perçu comme un sujet de droit à part entière, il en va de notre dignité que nous abimons jour après jour en tolérant le sort réservé à d’autres êtres vivants privés de logos, sans possibilité de se défendre.
Au Royaume-Uni, après une longue campagne portée par les conservateurs, le Parlement vient d’interdire toute exportation d’animaux d’élevage vivants : on ne peut que saluer avec émotion cette immense avancée. Une législation protectrice ne trouvera sa force que dans la mobilisation collective de l’ensemble de la société et la détermination de tous les acteurs de terrain ; nous devons être à la hauteur de ce défi que notre conscience nous impose.
La protection animale doit beaucoup à l’Europe où la législation est bien plus volontariste qu’au niveau national. Respecter la vie animale n’est plus une option, regardons ce que font nos voisins européens. Il s’agit bien d’un impératif et la clé d’une vie durable sur notre planète. Les élections européennes du 9 juin seront l’expression d’un vrai choix civilisationnel, le reflet d’une vision nouvelle et plus juste.
À la question au regretté Frans de Waal « Selon vous, qu’est-ce que le propre de l’homme » ? celui-ci répondait non sans malice et lucidité : « Son arrogance, peut-être ».