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Fabien Truong sociologue émérite, travaille depuis des années sur les quartiers populaires et les ressorts du passage de la délinquance à l’attentat terroriste. Dans ‘ROUTINES’ un premier roman noir aux allures de polar social engagé il met en marche la destinée chaotique de Tibor jeune homme à la vie terne marquée par un sentiment d’inachèvement et cadencée par la répétition et une forme d’ennui insidieuse.
Happé par une angoisse sourde il couche son drame intérieur sur les réseaux sociaux de la bibliothèque du quartier en dénonçant des actes de barbarie sanglants et nocturnes entrainant la mort, dont il est l’auteur. La routine quoi. La mise en scène de son profond mal-être prend une tournure inédite. Sur le net les commentaires l’incitent à la récidive et tout le monde interprète de travers. En maître du jeu, il se sent prêt à satisfaire l’appétit vorace d’un peuple soi-disant connecté.
D’un cran la fièvre monte dans cette petite ville plutôt calme au centre-ville maintenu sous respiration artificielle. L’anonymat derrière les mots amplifie la peur, les soupçons et les non-dits. La disparition en parallèle de 3 étudiantes en droit embrase les esprits. Tous les feux de la capitale convergent vers ce coin de France tentant d’analyser ces aveux écrits sur la toile : et pourtant personne ne regarde au bon endroit.
Ce roman sur les faux-semblants remarquable par l’acuité d’analyse de notre société, déroute, subjugue, nous plonge en apnée. Personne ne se doute de rien sur ces meurtres invisibles. Seul Tibor sait puisqu’il tranche des têtes.
Notre société parle sans écouter, juge sans savoir, se pare de conjectures sans connaître, mange sa viande sous cellophane sous les néons blafards des supermarchés sans se douter. Tibor lui, met des mots sur la chose et assène sa vérité en 5 phrases en dénonçant ce qui le hante. C’est un assassin qui ôte la vie, qui voudra l’entendre ? Les algorithmes engendrent un décompte faramineux de réactions en chaîne où chaque internaute vante l’apologie du crime. Oui mais lequel ? L’exaltation grandit, la police s’autorise toutes les conjectures pour cerner l’auteur de ces messages mystérieux stigmatisant une haine recuite. La tension sourde et ardente habitera chaque page de ce roman incandescent jusqu’au dénouement inévitablement dramatique.
Fabien Truong apporte sa passionnante expertise de sociologue sur ce qu’est être bourreau. Mais dans l’histoire qui est victime qui est sauveur ? Un triptyque infernal qui nous fait nous interroger sur le pouvoir de nos mots sur les réseaux asociaux. ? Les experts continuent à en décortiquer le sens en enfilant des perles sur leurs nouvelles théories, tout le monde a tort pensant avoir raison pendant que les victimes continuent de se vider de leur vie dans un entrepôt anonyme si loin des cœurs. En l’absence de faits et d’explications les justiciers du net lynchent des innocents dans leur obstination aveugle à trouver un coupable. De perquisition en confrontation, de soupçons infondés en certitudes vacillantes, de préjugés en accusations le monde se dérègle inéluctablement.
Ce premier roman hypnotique et troublant à l’écriture incisive et percutante nous poursuit longtemps de manière quasi obsessionnelle. Une seconde lecture s’impose dans la foulée. En manipulant à merveille les mécanismes du polar tout en exploitant sa connaissance du terrain, Fabien Truong nous parle d’une cause menacée par la routine. Le commun des mortels n’y voit que du feu ; ce roman bouleversant est là pour nous rappeler que chaque vie compte.