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‘ Si tu manges du fromage, je ne peux pas nourrir ce veau avec le lait de sa mère ‘. Ces mots qui fusent en 2015 vont chambouler la vie de Virginia Markus. Dans cet ouvrage intimiste et puissant elle évoque ses relations entretenues avec tous les animaux sauvés de l’abattoir et qui aujourd’hui coulent des jours plus colorés, recueillis au sein de son sanctuaire suisse . Dans la bien nommée collection Littérature Intérieure qui nous invite à une réflexion sur le sens mystérieux de l’existence humaine, elle convoque le souvenir de personnages à poils ou à plumes avec lesquels cohabiter a été source d’enseignements riches de sens, souvent plus fondateurs qu’au contact des humains. Car oui, des conversations intérieures elle en a eu. Elle a su tendre l’oreille à celles et ceux qui parfois lui intimaient l’ordre de faire une pause, ou alors d’appréhender la mort comme un passage dont elle était le passeur inestimable ; des émotions brutes semblables à une danse effrénée dans le tourbillon de sa vie. Cette reconnexion s’est faite également par l’intrusion de rêves prémonitoires aussi déstabilisants que bouleversants dans des moments clés de la vie du sanctuaire.
En grandissant auprès d’animaux, ils deviennent ses confidents, l’incarnation d’êtres vivants attentifs, présents à son monde. Quelle que soit leur enveloppe physique. Le langage est clair, abrupt et subtile. Débutant son chemin de vie engagé dans une clinique vétérinaire au Qatar elle y fera des rencontres d’âmes avec Elya un chaton né sans yeux ou Mira, chatte si bavarde une fois sortie de sa cage où le monde entier semblait l’avoir oubliée ; peut-être même ne l’avait-on jamais considérée ? Rapidement elle se fait cette promesse non négociable d’en sauver beaucoup, et d’être à leurs côtés le jour de leur départ. Militante au sang chaud, elle enfoncera beaucoup de portes caméra au poing, partagera la paille de cabris, veaux, cochons, et poules cloîtrés et isolés à attendre la fin de leur vie. La veille ensemble, le lendemain, séparés. Elle tient à ce que les animaux lui parlent. S’imprégnant de leurs peurs, elle ramène sur ses vêtements des effluves d’amoniaque, antichambre de la souffrance avant la mort.
C’est décidé, un jour elle portera la voix de tous ceux qui hurlent dans le noir, entassés ou seuls, à l’image de ce veau innocent et doux qui du haut de ses 6 mois dans son box, séparé de sa mère, ne demande qu’à être, et ne sera plus demain. En sauvant 24 poules sorties de halles d’engraissement Virginia Markus ne sait pas encore que sa dernière action de désobéissance civile médiatique vient d’avoir lieu. L’association Co&xister verra le jour en 2018, son rêve de petite fille de changer un peu le monde des animaux viendra naturellement à elle, sous la forme d’un terrain de 5 hectares niché au creux d’une montagne du Chablais vaudois. Une colocation ne fonctionne que si chaque individu y trouve sereinement sa place sans se sentir inquiété. En harmonie avec les autres. Elle y veillera nuit et jour avec une constance que seul un engagement sans failles permet. Chaque animal devient messager unique au cycle des saisons, sous une lune prometteuse : le travail quotidien est harassant et réapprendre la vie, c’est aussi se laisser traverser par des émotions sans jamais stagner.
Priya est une lumineuse poule rousse guérisseuse ; pour elle l’espèce n’est pas un critère déterminant pour créer du lien, sa grandeur d’âme n’a d’égale que son pouvoir de changer les consciences des humains éberlués qui croiseront son chemin. Bhutsy, un cochon de 300 kilos aussi désarmant que bulldozer rose, lui apprend que tout pré requis pour se faire respecter au sein d’un groupe d’êtres vivants, réside dans notre attitude intérieure, peu importe le poids, la taille ou la force. Nimoh peluche indomptable dans une enveloppe de lapin est un être foncièrement libre, n’acceptant aucune barrière. Ce guerrier pacifique nous intime l’ordre de prendre les rênes de nos destinées. Tawaki lui, est un cheval meurtri par la vie arborant sur sa robe tout le malheur du monde, un enseignant hors pair à l’énergie quasi divine ne laissant que les bonnes intentions pénétrer sa sphère d’intimité.
Une connexion immédiate tisse ses liens entre animaux, soleil, lune, végétal. Au milieu il y a une femme un brin chamane libre d’aimer qui elle veut. L’écosystème est régi par toutes ces coexistences inter espèces. Il n’est en rien question de laisser aller mais bien au contraire de réajuster l’impermanence. A leurs côtés elle apprend l’équilibre entre l’anticipation et l’acceptation ; on contrôle ou on essuie l’imprévu. En s’éloignant et en se coupant de nos savoirs ancestraux et instinctifs, nous avons remis notre santé entre les mains d’institutions médicales en nous détournant de notre alignement entre corps, âme et esprit. ‘CE QUE MURMURENT LES ANIMAUX’ à l’oreille de Virginia Markus nul ne le sait ; mais cela résonne étrangement comme une remise en question de nos croyances limitantes: dans nos vies agitées, nous sommes connectés à tout sauf à l’essentiel : à notre essence en tant qu’individu, à notre essence en tant qu’espèce, et à celle de nos colocataires à poils, à plumes ou à écailles, avec lesquels nous partageons une même grande maison.
Cette plongée saisissante sous une plume tour à tour poétique et nerveuse, toute en furie et en délicatesse, en ombres et en lumières, permettra de (se) penser autrement dans le monde face aux autres êtres vivants porteurs d’ enseignements insoupçonnés pour peu que nous prenions le temps d’observer, en acceptant de voir vaciller nos certitudes.