Voilà une bande dessinée d’aventures animalière qui a du chien ! Délicieusement drôle, intelligente, synthétique : cette série va à la rencontre de la faune sauvage européenne d’aujourd’hui. «TOUPOIL LA NUIT DES BLAIREAUX»   est son 5ème opus. Après la loutre, l’ours, le lynx et le loup, nous découvrons l’univers du blaireau. C’est le chien Toupoil un brin  aventurier – personnage central de la BD – qui nous guide. Se retrouvant truffe à truffe avec ce petit ours des campagnes au masque strié de noir et de blanc,  il y découvre la vie bien régulée de toute une famille de blaireaux dormant le jour, chassant la nuit, ou profondément nichés au  fin fond de leurs terriers . Brutalement délogés par un chantier de construction, débute alors toute une série  de péripéties en fuyant la destruction brutale de leur habitat.

Terrier réduit en poussières, endroit devenu invivable, c’est une nouvelle épopée qui commence pour trouver un  futur  lieu de vie ;  loin  de la fureur et du bruit : des terriers artificiels réalisés par la main de l’homme.  A croire son auteur, illustrateur, et éditeur du Crayon Vert, Serge Monfort, l’idée originale de chacun de ces albums plaît aux enfants d’aujourd’hui et  de demain car  elle est porteuse de sens. En les faisant s’interroger et s’intéresser au monde caché de certains animaux méconnus du grand public. En se penchant avec ses crayons de couleur, son regard bienveillant, sa sensibilité, il partage à chaque album une douce tendresse pour ces animaux trop souvent maltraités par l’homme. 

Serge Monfort  est l’un des tout premiers et rares auteurs à proposer une BD jeunesse sur la bio diversité. Dans ce 5ème album, il y raconte  la vie d’une famille de blaireaux et ses blaireautins et  les dangers auxquels ils sont confrontés : la chasse, la traversée des routes, la disparition progressive de leur milieu. L’ouvrage reste positif, n’est pas donneur de leçons et éclaire sur les solutions trouvées pour leur préservation. Cette bande de blaireaux au masque de Zorro est tellement attachante et la langue française leur rend si peu hommage !  Le chien Toupoil se fait le porte-parole de ces espèces sauvages si méconnues : son seul souhait. Qu’on leur fiche la paix et qu’on les laisse vivre leur vie ! 

L’approche de l’auteur n’est en rien anthropomorphique, il s’y oppose d’ailleurs. Selon lui, ses petits lecteurs sont friands de ces aventures où l’animal est décrit de façon authentique, bien loin des représentations de Walt Disney.  Quand la qualité du dessin aux jolies formes pleines et généreuses, aux lumières chaudes et envellopantes,   répond à l’urgence du message, vous êtes sûrs d’avoir entre les mains un bel outil d’éducation, de sensibilisation. Pour petits et grands.  En fin d’album on retrouve 5 pages de pur documentaire naturalistes sur l’espèce, accompagné de photos, cartes et bibliographies, ainsi que des exemples de préservation réussie. Voilà une façon pédagogique et astucieuse de mélanger l’univers de l’enfant et de l’adulte. Mission réussie ! Du talent pour raconter et pour  dessiner.

A l’heure ou circule une  pétititon appuyée par plusieurs ONG  exigeant « l’interdiction du déterrage des blaireaux, une pratique de chasse violente, non sélective et incompatible avec la reconnaissance des animaux comme des  êtres sensibles », se plonger dans les aventures de Toupoil et sa nouvelle bande de copains, a tout son sens.  La vénerie sous terre est une pratique barbare encore autorisée en France 9 mois et demi par an, alors que cette espèce n’est pas classée « nuisible » mais persécutée tout autant. Elle est même protégée dans de nombreux autres pays Européens. 

La pétition a dépassé le seuil des 100 000 signatures, moins de 6 mois après sa mise en ligne, et quelques heures avant l’ouverture générale de la chasse… tout un symbole ! L’écologie, la préservation de notre écosystème dont les animaux font pleinement partie, est un sujet brûlant d’actualité. Serge Monfort réussit à l’aborder en touchant les plus jeunes, porte parole de notre futur et ambassadeurs protecteurs du Vivant.  Blaireaux, corbeaux, chien, toute  une population fuyant l’apocalypse d’une forêt dévastée, unit ses forces, ses instincts, pour trouver une solution.  A pattes, à poils, à plumes, le Vivant galope en  quête d’un nouvel éden construit par l’homme : on referme cette bande dessinée avec ce sentiment diffus  et tenace que rien n’est perdu. Que tout est encore possible.  « TOUPOIL LA NUIT DES BLAIREAUX » était dans le Top 20 des Bd Jeunesse cet été : preuve que le talent mis au service du Vivant, fait écho en nous. Quand on découvre, on  s’intéresse, on s’attache, on est sensibilisé, on prend conscience, on s’iinsurge contre l’injustice, on défend. Vivement, le tome 6 au titre prometteur de « La Renarde Borgne  » ! 

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