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Pour aborder le thème du deuil d’un animal de compagnie, il fallait un récit accessible aux petits et grands, empreint d’une délicatesse incarnée avec talent. En lice pour la 5ème édition du Prix Maya, unique prix Français couronnant un ouvrage engagé pour la cause animale ‘ LE MONDE DES ANIMAUX PERDUS‘ est une bande dessinée qui tient toutes ses promesses. A l’instar de Alice au pays des merveilles, c’est Elsa petite fille solitaire de 8 ans, qui part à la recherche de Aldo, son poisson rouge, son confident qu’elle retrouve un matin mort, le ventre à l’air dans son aquarium. Jeté dans les toilettes par une grande sœur turbulente, Aldo disparaît de sa vue, de sa vie, dans un monde qu’Elsa n’arrive pas à concevoir : ne pas savoir, ne plus le voir est traumatisant. Elle entame alors un incroyable périple en se faufilant dans les canalisations de ses toilettes, qui la mèneront bien quelque part !
Lors de cette course effrénée et fantastique dans ce monde des animaux perdus, elle évolue parmi des ombres grises, nos compagnons de l’au-delà appartenant à un ailleurs bien mystérieux. Tous ont une histoire à lui raconter: certains ont été abandonnés et rejetés par les humains, d’autres sont mort de cause naturelle.Cette cohorte de silhouettes diaphanes se rend au bureau d’enregistrement des Animaux Perdus seulement cet univers est réservé aux animaux, Elsa n’y est pas la bienvenue. La question soulève le débat : un humain n’est-il pas un animal ? Biologiquement, c’est certain. L’homme est doué de raison mais n’est- ce pas le ressenti le plus important pour tout être vivant ?
Sur son chemin elle fait la rencontre haute en couleurs d’ un chat roux et blanc, plein d’un savoir et d’une superbe inégalés. Selon lui, les gens n’aiment pas entendre la vérité, et pourtant il faut savoir appeler un chat un chat même si cela n’est pas du goût de tout le monde ! Recueillie par un hamster géant, Elsa est l’objet de toutes les curiosités et sera mise en cage les 4 fers en l’air sur une roue, histoire d’amuser la galerie. La roue tourne pour les humains on dirait ! En en réchappant ses petites jambes pressées la conduisent sous le cagnard d’une route de vacances désolante et honteuse, gangrenée de chiens abandonnés attendant leur maîtres en continuant d’espérer leur retour.
Le lac des ombres qu’elle rejoint enfin, incarne ce passage entre l’ici et l’au-delà de tous nos compagnons partis. C’est de là qu’elle entamera son retour, vers la réalité, mieux armée pour continuer de vivre sans son poisson tout en acceptant son départ. Noémie Weber délivre ici de précieuses sources de réconfort sur le thème du deuil, de la séparation, du renoncement: de ce cheminement douloureux que nombre de gardiens encaissent en perdant leur animal de compagnie. Un thème peu souvent évoqué et qui trouve une résonance apaisante, une main tendue dans des moments ou ni rien ni personne ne semble vous atteindre, tant la souffrance est grande et la désolation de notre cœur abyssale. Ombres puis souvenirs, la mémoire de nos protégés se dissipe dans le temps. La douleur s’estompe, l’amour reste. L’autrice a pensé cette bande dessinée pour les petits comme pour les grands. Les larmes n’ont pas d’âge.
Si le temps de vivre s’est arrêté pour certains animaux, pour Elsa il semble que ce même temps presse, pour moins souffrir de l’absence. En s’évertuant à lever le voile de ce mystère, c’est une partie du deuil qui est faite. En passant, l’autrice n’hésite pas à dénoncer le cruel sort réservé à certains animaux – on le rappelle la France est le premier pays Européen en termes d’abandons. Entourée de ses 15 chats, Noémie Weber a su puiser une belle inspiration et nous la communiquer en courbes et en mots. C’est cette alternance de courtes scènes et de gros plans qui donnera le rythme à la lecture. L’utilisation de la couleur en opposition au gris, dit tout, sans nommer l’inéluctable. L’entraide, le monde de l’enfance, y sont évoqués avec une infinie bienveillance. Les âmes de nos animaux défunts laissent une empreinte indélébile, aussi longtemps que leur mémoire reste gravée dans nos cœurs.
Cette quête initiatique ponctuée de rencontres incongrues et émouvantes permet d’éloigner cette souffrance et la poésie douce, drôle et parfois un brin inquiétante nous ramène à cet essentiel : les êtres vivants qui ont partagé notre vie terrestre continuent à jamais de le faire dans une autre dimension qui n’en est pas moins précieuse , merveilleuse et riche d’enseignements. « LE MONDE DES ANIMAUX PERDUS » est une belle leçon d’espoir, et sa lecture, incontournable comme un hommage à nos âmes sœurs animales.