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Vous êtes-vous déjà demandé sous quelle forme envisager une possible réincarnation ? Minérale, animale, végétale ou pourquoi pas refaire un tour du côté des humains si vous avez le cœur bien accroché ? Un accident de voiture mortel met le feu aux poudres de cette très profonde et inspirante fable initiatique sur le devenir de nos âmes une fois notre enveloppe corporelle évaporée. C’est un platane qui reçoit un jour de plein fouet la voiture de Julie : tout est amas de chaleur, de tôles froissées, d’essence sur le bitume : seul un bruissement d’ailes vient perturber cette scène de chaos. Margault fille de Julie, partira à la recherche de Sergio, un père inconnu et insaisissable, sur les routes d’Italie avec ses crayons de couleur comme interprètes de son désarroi. Lui est violoniste inconsolable de la mort d’une sœur admirée. En parcourant les villages pour égrener du Beau, c’est l’Art qui donne à la nature humaine un de ces plus beaux visages, les plus aboutis en le transcendant afin d’accéder à un niveau supérieur de connaissances.
Latsuna nous fait nous questionner sur notre rapport à la mort, le deuil, la religion, notre propre condition d’être vivant humain face aux autres espèces non humaines que nous contrôlons sans vergogne dans l’indifférence la plus effarante. L’écriture est libre, sans structure précise : une sorte de vagabondage de l’esprit qui fait un bien fou dans un monde si cloisonné. Un peu comme un vol d’oiseau qui se laisserait porter par les vents ascendants ou descendants selon ce que la vie réserve : une sorte d’errance pour mieux observer le monde absurde que nous incarnons, nous humains. On décolle dans le sillage de personnages en quête d’identité, de réponses, on atterrit sur d’autres rivages plus aériens et mystiques : un peu à l’image de notre activité mentale qui se laisse parfois emporter comme un torrent. Dans ‘ LA PÉPINIÈRE DES ANGES la pensée est bienveillante, en quête d’apaisement, empathique et riche d’émotions partagées.
Sur terre les personnages de cette épopée s’agitent en quête de sens : régulièrement vient se poser par-dessus leurs épaules, le regard sans fard d’une entité que l’on nommera ange. Celui-ci s’émeut, est en colère, doute, cherchant sa prochaine incarnation. Perturbé il l’est par l’humain, un être qu’il juge tout puissant qui souvent domine, sacrifie, impose, laissant derrière lui un monde abimé. Bien souvent le collectif est renié au profit d’un individualisme stérile. Observer tous ces personnages à la dérive en quête perpétuelle, le laisse indécis sur le bien- fondé de nos propres démarches. Sa désolation est vive face à une Terre refaçonnée par l’homme dont la mainmise est omniprésente. Voilà un ange qui a des états d’âme !
A chaque tentative d’entrer dans un corps animal, c’est une décharge de souffrance que l’ange reçoit en pleines ailes. Un porc breton condamné à la production dans un élevage intensif aura le goût de l’acier, un chien compagnon d’infortune d’une solitude humaine qui ne le considère comme objet que pour éviter sa propre misère, un poisson qui voit ses ébats aquatiques joyeux stoppés nets quand 2 mains l’arrachent violemment de l’eau et enfin un éléphant de cirque perclus de stress et de douleur, qui n’est plus que l’ombre de sa majesté évaporée dans les plaines d’Afrique. L’ange dans sa quête de réincarnation continue de ressentir les vibrations humaines grâce à la tonalité particulière de la musique, une porte ouverte entre le monde de l’au-delà et la terre. Et si les animaux étaient passeurs d’âme ? Et si faire vibrer l’âme d’un violon nous permettait de rentrer en contact de la façon la plus puissante et éloquente qui soit avec une entité qui nous dépasse ? Et si les mots humains avaient peu à peu atteint leurs limites ? Et si la destinée de l’ange était de rejoindre l’Absolu.
Dans cette belle fresque éclatante, Latsuna noue des liens énigmatiques et invisibles : il nous rappelle qu’ils sont partout autour de nous, et qu’il ne tient qu’à nous de savoir les interpréter. Toute vibration est respiration : le ronronnement velouté d’un chat, les cordes pincées d’un violon, les prières aux saints, la contemplation du beau qui inonde le chœur d’une petite église Italienne. Communiquer avec l’invisible peut se faire à califourchon sur le dos de notes de musique, par la prière. Il apparait comme une évidence donc que Margault fasse d’une statue de St Francois d’Assise son compagnon de route. Lui qui s’adressait aux poissons comme à nos frères de cœur. Une autre façon d’envisager une possible communication inter-espèces.
‘Le problème c’est salir, les gens passent leur temps à détruire, c’est si simple’ dira Margault à son amie Ginka sur le point de la quitter. La pépinière des anges résonne comme une quête spirituelle en nous exhortant à mettre du sens là où il nous en manque tant. Faire en sorte que notre guide intérieur s’amplifie dans notre cœur et ses infinis possibles bien plus que dans notre mental si limité, tel est le flamboyant message de Latsuna qui nous délivre dans un style poétique et habité que chaque être vivant est inte-connecté à l’Autre. Nous l’avons fondamentalement oublié. Que le pigeon qui bat des ailes devant vous est peut-être votre ange, que détourner le regard d’un animal maltraité c’est faire une double offense à soi et à notre frère animal. Que les poissons ne sont pas des êtres inférieurs et consommables mais des êtres vivants dignes de recevoir notre parole.
Rechercher l’essentiel c’est recherche l’essence d’un ciel, à nous de le peupler de 1001 façons pour que notre cœur capte l’insondable. Les peuples racines l’avaient bien compris, leur lien à la Terre est tel, qu’ils respirent en symbiose avec le Vivant. Ce que les sociétés modernes gavées de technologies et de plaisirs éphémères ont banni de leur existence. « LA PÉPINIÈRE DES ANGES» est un ouvrage précieux qui remet du sens dans nos vies, du sourire à travers nos larmes, de l’espoir par-dessus nos inquiétudes. A travers les déambulations d’une poignée d’humains observés par l’ange, l’âme apparaît bien complexe. Nous courons tous après ce fameux sens d’une vie : défendre la cause animale et en faire un absolu, préférer les bons plaisirs des partages en famille, après tout chacun son Graal. A chacun notre utopie.
Dostoïveski se demandait si la beauté sauverait le monde, Latsuna lui,, nous invite à la table de la contemplation. Il nous rappelle que des êtres comme des lieux nous accouchent mieux que d’autres. La nourrice de Margault, Bérangère sait rallumer les lucioles éteintes de sa protégée. Entretenir notre feu intérieur, se mettre au monde bien des fois avant de naître vraiment, quitter nos costumes de scène et nos masques trompeurs, réensauvager nos âmes et sentir que nous ne sommes pas seuls, voilà peut-être l’essence même de ce livre qui vous poursuivra un bout de chemin. La vie n’est pas limitée aux contours d’une âme mais à l’inter connexion et dépendance de 1001 existences.
Lorsque l’on a la chance de chevaucher un arc en ciel on ne se plaint pas de se retrouver les pieds dans le vide nous murmure Latsuna. Sa prose poétique empreinte d’une aura mystique réussit le pari fou d’apaiser le vacarme de nos incertitudes bruyantes en ouvrant notre conscience à d’autres mondes.