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Eduquer les enfants à l’empathie envers les animaux, les sensibiliser à l’apprentissage et à la connaissance, leur révéler un monde inconnu , les rassurer sur ce qui peut leur faire peur, faire germer dans leurs présences au monde si curieuses et éveillées une attention toute particulière ; tel est l’esprit joyeux et éducatif de cette nouvelle série animaliste unique en son genre. Aucun animal n’est méchant, même bizarre ou impressionnant ! Qu’on se le dise. Camille Brunel qui trempe sa plume féconde imagée et vibrante pour nous raconter les combats qui l’animent, s’adresse ici aux enfants. Il est accompagné par Emmanuelle Tchoukriel, qui nous délivre des dessins gourmands et généreux empreints d’une revigorante douceur. A 4 mains et un cœur tendus vers un seul et unique objectif, ils nous proposent 2 livrets pédagogiques subtils et originaux.
Le premier livret « Les griffes du petit chat » nous embarque au sein d’une famille impatiente d’accueillir le chat de l’oncle Timothée revenu du Canada. La mise au point est faite sur la réaction des 2 petites filles Prudence et Mira : curieuses ou peureuses ? Personne n’attend le mini tigre de la même manière, il en va de même dans toute situation où la présence, l’arrivée d’un animal déclenche chez l’humain tout un panel d’émotions et de sensations. La curiosité, la peur, la joie, le dégoût, parfois la violence, l’apaisement. Chez certains l’adoption est immédiate, chez d’autres quasi impossible ou alors, elle se fait à pas de velours.
Ici, un ancien souvenir de griffure a laissé chez les petites filles, un sentiment de crainte et d’appréhension non dissimulé. Comment vont elles réagir à l’arrivée du chat, rebaptisé Mésange. Les idées reçues des enfants sur l’animal sont tout en douceur revisitées par Timothée. Son chat il le connait bien, c’est le sien ! C’est le mieux placé pour en parler. Un félin qui a traversé l’Atlantique en avion dans une petite boîte, puis trimballé entre métro, train, et voiture, a d’autres besoins immédiats et essentiels que de se jeter sur ses croquettes. C’est ce qu’explique Timothée à ses 2 nièces : son chat a les mêmes besoins qu’un humain. Dans un premier temps il doit être rassuré pour que l’appétit revienne. Premier écueil dépassé, première leçon animaliste donnée, premier éveil de la petite fille qui n’avait surement pas envisagé les choses de cette manière : la perception d’une réalité différente, celle d’un nouveau monde qui entoure ce petit animal dont elle connait finalement si peu de choses. L’oncle Timothée médiateur de cet apprentissage nouveau, leur délivre le mot magique : « émotions ». Il n’y a qu’en observant que l’on en apprend sur ces êtres vivants non humains. C’est déjà faire un premier pas vers l’inconnu, c’est aussi accepter que nous partageons notre terre avec d’autres espèces.
Oui un chat rêve, ne perçoit pas les couleurs comme nous, bouge son corps de manière significative selon son humeur, n’est jamais là où on l’attend (c’est un chat ne l’oublions pas!), a une vision si perçante que ses yeux d’émeraude voient des choses imperceptibles à l’œil humain, que la nuit est son écrin, que son sourire prend vie dans ses subtiles clignements de paupières veloutées. « Mésange est comme toi, il suffit de te demander comment tu réagirais à sa place et tu la comprendras mieux. » Cette recommandation de l’oncle du bout du monde, résume à elle seule ce qui manque à bon nombre d’êtres humains sur cette planète. Se mettre à la place de, accepter que l’animal ressente des émotions, se remettre en question. Trouver des similitudes entre Mésange et les 2 petites filles aide à la compréhension : dans la cour de récré on se griffe parfois pour ne pas être embêtée, le chat, c’est pareil : il vous signifie que vous devez rester loin de son territoire. Et qu’il vous donnera son feu vert, quand lui seul le souhaitera. « Finalement, les chats, c’est vraiment des animaux comme nous » dit Prudence à la fin du round d’observation. Oui jeune fille, ils sont comme nous, tout en interagissant de manière différente, ils sont comme nous, car ils ont des émotions mais ne les montrent pas de la même manière, ils sont comme nous, et partagent notre même espace de vie. Ce premier cahier de lecture de 64 pages et 25 dessins couleurs, est un précieux chapitre à l’éveil pour les enfants à partir de 7 ans.
Dans le second livret « Huit pattes, quelle chance ! », on retrouve nos 3 principaux protagonistes humains ainsi que Mésange qui a fait de ce nouveau foyer, une terre d’asile réconfortante. Lors d’une après-midi télévision devant Spider Man, les conversations vont bon train sur l’araignée, avec ses 8 pattes et ses 8 yeux. Le film réveille les pleurs et les peurs nocturnes de Mira : le cauchemar a pris la forme d’une morsure. Mira n’est pas Peter Parker et pourtant ! L’animal est moche, mais si on en a peur, et qu’il est petit, peut-on l’écraser ? A-t-on le droit de faire ça se demande Prudence. Les petites bêtes ne mangent pas les grosses, voilà une phrase que nous enfants, avons si souvent entendu à nos oreilles effrayées. De loin une araignée ressemble à une étoile répond Timothée. De loin donc, c’est joli, surprenant, mais de près c’est une autre affaire, exactement comme la photo d’une petite fille au loin puis toute proche quand on ne voit plus que ses narines ! Tout est question de distance et de perspective.
Le dialogue entre Timothée et ses 2 nièces concourt au bon fonctionnement du Vivant : chacun y va de sa peur, ou de sa vision du monde. L’essentiel est d’entendre l’autre. Ne pas embêter les plus petits que soi est dans l’ADN de Timothée : si un animal essaye de se sauver quand on le tape ou l’on écrase, c’est qu’il souffre. Tout comme la petite Prudence s’échappe quand elle voit dans la cour un garçon qui vient l’embêter. La fuite répond aux mêmes stimuli : tu m’embêtes, je te fuis.
Quand vient l’heure de la confrontation avec une minuscule araignée bien réelle pelotonnée dans sa toile, les cris de petite fille retentissent de plus belle. Connaitre les animaux et leur donner un prénom pour moins en avoir peur, voilà une autre façon d’aborder le sujet de la crainte. Même pour l’autre araignée au plafond bien plus grande avec ses longues pattes et son petit corps. Dans le jardin familial à la fin de l’été, les toiles d’araignée rivalisent d’ingéniosité et de numéros d’équilibristes. Chaque nouvelle espèce arrache des cris de surprise de toute la petite troupe humaine à 4 pattes dans les plantes. Une autre leçon tirée de cette observation bucolique : une araignée ça sert à manger les insectes qui nous ennuient comme les moustiques ou les larves de mouche. Donc leur rôle à jouer est essentiel et elles nous sont utiles.
En dégustant ces 2 livres à l’approche singulière, tout enfant se mettra facilement à la place de Prudence et Mira, surpris de réaliser que les animaux lui ressemblent bien plus qu’il n’y pensait. « Les neurones c’est comme des minuscules étoiles dans votre cerveau, plus vous en avez, plus vous avez de pensées » explique Timothée. En offrant ou lisant ces 2 ouvrages, une chose est sûre ; les voiles de l’inconnu se dissipent élégamment, nos pensées se démultiplient pour peu que nous nous donnions la peine de regarder autour de nous. Qu’il soit à poils ou à pattes, à écaille ou à plumes, l’animal surprend, ne laisse jamais indifférent : notre sacro- sainte mission est bien de lui vouer le plus grand des respects. Gageons que par le biais de lectures d’ouvrages si intelligemment construits et écrits, le monde gagnera en profondeur et nuances.