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KISKA l’orque la plus seule au monde, vient de mourir. Capturée dans son milieu naturel à 4 ans elle aura passé 43 années, isolée dans sa minuscule bassine d’un Marineland Canadien, à faire des ronds, inlassablement en se tapant la tête contre les parois. Elle n’aura pas eu le temps de retrouver l’océan malgré le dévouement sans limite de bon nombre d’associations. Une orque peut généralement plonger jusqu’à 60 m de profondeur, tailler la route de l’eau sur une centaine de kms par jour et ses relations sociales sont très riches. L’enfer n’est pavé en rien de belles intentions, juste une mort honteuse. Cette disparition comme tant d’autres, cet effacement de l’animal, Marie-Pierre Hage nous en dresse un déchirant constat dans son dernier livre ‘LES ANIMAUX…. SENSIBLES AUSSI ! . En passant en revue la condition animale et en dénonçant les dérives les plus obscures, elle se fait la vibrante porte-parole d’un monde qui souffre dans le noir. Vibrant plaidoyer pour le respect de la biodiversité, de la nature et de la consommation éclairée, cet ouvrage propose une réflexion sur la condition animale à travers l’Histoire. Le titre parle de sensibilité car oui, depuis le 28 janvier 2015 le code civil reconnait l’animal non plus comme un objet mais bien comme un être sensible. Descartes parlait d’animaux machines affirmant que pour éprouver une douleur ou une peine, il fallait en avoir conscience ce dont selon lui, l’animal était totalement dépourvu.
Le premier volet de l’ouvrage évoque la situation des animaux de compagnie, dont le chien descendant du loup, reste l’animal esclave par excellence car incapable de survivre par lui-même. Le père de l’éthologie du 20 è siècle Konrad Lorenz souligne que les droits de l’animal sont niés non seulement par la loi mais également par l’insensibilité. La fidélité d’un chien est un don précieux qui entraine une responsabilité morale non moins contraignante que l’amitié d’un être humain. Chiens de travail, chiens d’attaque ou de combat pervers, abandons en masse de chiens aux yeux vairons, nettoyage des rues de Russie pour préparer les jeux de Sotchi ou le mondial de football. L’identité de l’animal est totalement effacée. Le chien paie un lourd tribut de ses milliers années de sélection depuis qu’il était loup. Il aurait mieux fait de rester tapi au fond des bois dans la chaleur de sa meute.
Le chat lui, est sacré en Egypte, conquis par l’empire romain, diabolisé au Moyen Age : il retrouve le chemin de bon nombre de foyers aimants et bienveillants. Cependant les maires de toutes les communes de France devraient imposer la stérilisation des chats errants. Une juste régulation en douceur. Le trafic d’animaux est le 3ème trafic mondial après celui de la drogue et des armes. Les animaleries sont alimentées par l’importation illégale d’animaux et le vol : 70 000 chiens sont volés en France. La France détient le record de la honte : le pays européen où l’on abandonne le plus d’animaux de compagnie. La citation de Gandhi selon laquelle on reconnait le degré de civilisation d’un peuple à la façon dont il traite ses animaux, prend alors tout son sens.
Chair et fourrures sont l’objet de trafics entre l’Asie et la France. Chaque année à Yulin, les rues résonnent de hurlements en provenance du massacre des chiens. Les NAC eux aussi deviennent la nouvelle lubie des animaleries. Par désir, caprice, goût morbide du pouvoir et de l’abjection, l’ homme dilapide la Nature. Roissy est devenue une plaque tournante et se doit de développer une capacité d’accueil pour des milliers d’animaux en transit. L’animal d’élevage quant à lui, est ramené à sa plus étroite représentation de nourriture. Rien ne lui sera épargné. L’industrie s’empare de la volaille destinée à un système de production intensif en batterie où seul, le mot rentabilité a un sens. La misère est partout. Les poules ont des ressources cognitives insoupçonnées, ressentent la détresse de leurs congénères ; leur entassement sur du béton sans sol à gratter, sans pouvoir déployer leurs ailes, c’est l’assurance de 40 jours de cauchemar jusqu’à l’abattage.
Les virus et les bactéries foisonnent : un élevage concentrationnaire d’animaux favorise certains virus prolifiques et surtout de nouvelles combinaisons de virus à risque comme la grippe AH1N1 , addition de la grippe porcine, aviaire et la grippe. Qui dit propagation d’individus, dit propagation de virus. En 2006 quand la grippe aviaire arrive en France on ne dénonce pas les méthodes d’élevage intensif, le seul levier connu étant de créer une angoisse collective. Soigner les conséquences sans éradiquer la cause c’est un peu comme plaquer un pansement sur une fracture. Et les laboratoires pharmaceutiques peuvent se frotter les mains. Une dinde en captivité vit de 9 à 16 semaines au lieu de 10 ans à l’air libre. L’oie elle, est gavée depuis l’Egypte Antienne avec cette faculté enviée par l’humain de stocker des graisses pour emmagasiner l’énergie nécessaire. Autre sombre record : la France est de loin le premier pays producteur et consommateur de foie gras au monde ! L’omerta sur la souffrance intolérable du gavage glisse sur les ailes des canards et des oies martyrisées depuis la nuit des temps.
Les vaches laitières elles sont l’objet d’un enjeu économique considérable, chaque année elle doivent faire un veau qui leur sera retiré. Epuisées par leur production de nombreuses inséminations, elles deviennent réformées pour terminer en viande. Tous leurs petits veaux auront connu une existence d’à peine 6 mois sur terre. La Chine à elle seule compte une cinquantaine de fermes usines de 10 000 vaches. La maladie de la vache folle n’arrête pas les machines. Nourrir un herbivore à base de farine d’animal mort ; voilà un scénario abject et contre nature. La France sera le plus pays le plus touché après le Royaume Uni par cette maladie. Pression des lobbies et des laiteries maintiennent leur joug. L’industrie agro-alimentaire a un chiffre d’affaires plus important que l’industrie automobile ou chimique. C’est dire les enjeux.
Le cochon est lui, l’animal objet par référence esclave dans toute son assertion, le plus mal aimé et malmené. En Chine toujours, est sortie de terre une cauchemardesque usine à cochons, une ferme verticale pouvant accueillir jusqu’à 650 000 porcs. Les premiers occupants viennent d’arriver. Les chiffres donnent le tournis devant le silence de ceux qui laissent faire et l’odeur putride de la mort à chaque étage. Le mouton lui connait un sort moins triste, sa reconversion en tondeuse à gazon pourrait lui épargner bien des souffrances. Cependant, de nouvelles tendances carnivores ont décidé de bousculer l’existence de milliers d’autruches, cerfs, chevreuils.
On estime à 80% le nombre d’abattoirs présentant failles et non conformités. L’association L 214 lucide souligne qu’il il est illusoire de penser que l’on peut 3 millions d’animaux par jour en respectant la règlementation. La messe est dite. Le seul coupable n’est pas l’abattage mais notre consommation de viande. Ce qui est en cause c’est l’existence de la boucherie elle-même qui trouve son origine dans le sacrifice. L’industrie de la fourrure trouve un nouveau public plus jeune, elle se démocratise avec l’apparition des cols et capuches sur les épaules des ados.
Dans les laboratoires français chaque année, 1,8 million d’animaux sont tués. Et pourtant la barrière des espèces ne pouvant être franchie, les expériences sur les animaux ont retardé la recherche, car une expérimentation sur un rat ou un chien ne donnera pas les mêmes résultats que sur des cellules humaines. Les animaux transgéniques, les clonages, les xénogreffes ou animaux chimères pointent leur bout de leur ombres maléfiques. Une version apocalyptique des manipulations génétiques.
La lumière doit aussi être faite sur les poissons qui ressentent la douleur : la pisciculture abonde vers le colorant cancérigène et un taux de mortalité effarant. On vide des océans pour propager l’aquaculture : nous n’avons pas compris que sans eau, sans poissons, l’homme courrait à sa perte. La maltraitance animale est parfois bien planquée sous les paillettes des cirques. On croise encore de sublimes fauves entassés sous le cagnard dans des cages minuscules, à côté de vendeurs de barbe à papa. Pour divertir. Privation, dressage, stéréotypies, destructuration, tout est bon pour faire plier le sauvage. Cette notion de liberté si chère à l’humain ne serait soi disant pas familière aux animaux nés en captivité, incapables d’aimer un état qu’ils ne connaissent pas. Mais qu’en sait-on de ce qui se cache derrière ce regard de tigre anesthésié, derrière cet hippopotame qui devrait passer des heures dans une boue en Afrique et qui se retrouve à demi immergé dans une baignoire près d’une roulotte. 42 pays ont déjà interdit les cirques avec animaux sauvages et l’actualité récente montre que l’affrontement entre maire de communes et circassiens est de plus en plus musclé. L’espoir réside dans l’éducation et la sensibilisation aux plus jeunes.
Les courses hippiques sont le théâtre de grandes privations de liberté pour certains chevaux. Photos à l’appui pour un constat accablant : parfois des rondins de bois crantés sont placés sous le cou de chevaux pour les empêcher de replier leur tête contre leur poitrail, des œillères sont fixées par du fil de fer ou alors on retrouve des plaques de plomb vissées sur les sabots pour garder l’allure de trot. Le martyre des galgos est lui aussi bien réel : en Asie, courses, mafia et trafic font leurs griffes sur ces si graciles lévriers. Chaque année en Espagne 50 000 galgos sont abandonnés, torturés et tués. A l’affiche du divertissement et d’une soi disant culture obscurantiste, la corrida est en tête d’affiche. En France elle reste encore autorisée dans 4 régions et plus de 70 villes, et est réprouvée par 73% de la population. Le ton monte. Si les subventions publiques estimées à 500 millions d’euros par an en Europe disparaissaient, les taureaux couleraient enfin des jours heureux parmi les oliviers et les chênes liège et les arènes se transformeraient en hôtels comme c’est le cas au Mexique.
Le débat reste toujours ouvert sur les zoos et une soi-disant préservation d’espèces sauvages. Aller voir des animaux entassés derrière une cage fausse la vision de l’enfant. Protéger le sauvage c’est préserver les espaces naturels dans leur globalité et non leur allouer quelques mètres carrés de bétons et des plantes en plastique. Par le biais de certains parcs préservés éloignés des hommes et encadrés par des scientifiques, quelques espèces ont pu être sauvées de l’extinction : le cheval de Prjevalski, le bison d’Europe, l’oryx d’Arabie, l’oie des iles Hawaï qui peuvent dormir sur leurs 2 oreilles.
L’accroissement des populations humaines fait reculer les dernières parcelles d’espaces naturels et la confrontation humain animal sauvage est brutale.
Si certains parcs animaliers ont vocation à sensibiliser il faut sans relâche veiller au bien-être animal. En 2002 la mort de tous les louveteaux du Parc à Loups du Gévaudan. En cause ? la promiscuité due à la captivité. De quoi réveiller les consciences non ?
Les 4 derniers parcs aquatiques en France sont des mouroirs à ciel ouvert. Une honte cachée sous le déguisement du divertissement.
Quand l’animal n’est pas éradiqué directement par l’homme, il l’est indirectement : braconnage, chasse, fermes d’élevage, trafic en tout genre.
En 1997, sous la pression de quelques pays Africains , l’éléphant passe d’animal en voie de disparition (annexe 1 de la Cites) à l’annexe 2 comme espèce menacée ; ce qui ouvre à nouveau les vannes d’un massacre sans précédent pour ses défenses. Le dernier rhinocéros blanc s’est éteint il y a 5 ans dans le nord de l’Afrique. Sa corne n’a rien d’aphrodisiaque : juste de la kératine, des acides aminés et des minéraux. En mars 2017 un rhinocéros du parc de Thoiry a été tué et sa principale corne sciée et volée. De quoi laisser sans voix devant l’ampleur du désastre !
Le loup n’est pas la fin du pastoralisme, l’ours n’est pas la mort des Pyrénées et le lynx n’est pas l’ennemi du chasseur. ! Ce panorama morbide mais nécessaire, ne serait pas exhaustif sans évoquer la chasse. Le prix du permis national divisé par deux, l’emploi autorisé du silencieux, un président qui fête son anniversaire au son de l’hallali près de Chambord, la chasse reste quasi intouchable malgré les accidents, malgré la souffrance. Un Etat dans l’Etat : c’est une corporation qui décide de tout et cas unique en Europe, qui accorde près de 6 mois de chasse par an sans aucun texte législatif encadrant les mesures de sécurité. La vénerie sous terre l’une des plus abominables pratiques, n’existe plus qu’en France !
Nos voisins du canton de Genève ne pratiquent plus la chasse depuis 40 ans et la Nature chez eux se régule toute seule, sublime et faisant beaucoup d’envieux. Le bon sens a remplacé le fusil. Les océans se vident de leurs poissons, aucune ressource n’est inépuisable. Les chalutiers sont désormais équipés d’ordinateurs pour détecter les bancs de poissons, alors comment résister ?
Cet ouvrage est un cri d’alerte pour la préservation du peuple animal. La disparition du Vivant est en marche: 60 à 70% des terres agricoles sont destinées à l’élevage, source principale de la pollution de l’eau. L’élevage émet à lui seul, près de 16% d’émissions de gaz à effet de serre. Emissions démultipliées dues aux activités agricoles, à l’élevage, aux énergies fossiles. La pollution peut aussi être lumineuse ou diluée dans le plastique qui inonde de ses micro particules chaque recoin de Gaïa. La 6ème extinction de masse existe bel et bien. Le taux de disparition des espèces devrait être 1000 fois plus élevé que lors des 5 précédentes extinctions qui n’étaient pas dues à l’intervention de l’homme. L’accroissement de la demande, la surconsommation des ressources, une démographie galopante et pendant ce temps la girafe ombre de son ombre, disparait silencieusement, personne n’en parle ou si peu.
Le livre Les animaux ….sensibles aussi ! est un indispensable outil de prise de conscience, clair, précis, didactique. Des solutions existent : limiter la natalité, passer de l’abondance à une forme de sobriété heureuse, chaque jour être redevable à la pachiamama déesse nourricière qui n’a jamais cessé de veiller sur nous et nous régaler de sa beauté . A nous de marteler aux générations futures que nous formons un tout, que la déconnexion de la Nature n’est profitable à personne même si le mot profit résonne, à quoi servira t’il de se rouler dans l’opulence sur une terre vide de sons, de sens.
Des avancées existent : en 1999 la Nouvelle Zélande accorde le statut d’être humain aux grands singes, en 2008 le parlement espagnol vote une résolution exhortant à respecter le projet grands singes qui étend les droits fondamentaux de la personne humaine au-delà de notre espèce. L’Equateur reconnait en 2008, les droits de la Nature dans sa propre Constitution. La condition animale nous fait réfléchir sur la question animale ce qui fait de la cause animale un véritable sujet de société. Il est grand temps. Charles Darwin nous rappelait que la différence intellectuelle entre l’homme et les animaux supérieurs, si grande soit elle n’est qu’une question de degré et non de genre. Alors se demande l’auteur, pourquoi nous leur infligeons tant de sévices ? Si un parti animaliste remporte 2,17% des suffrages aux élections européennes, la France cumule tant de retard par rapport à ses homologues Européens. Un pays à la traine.
Sur la belle couverture de ce livre, on peut y voir des regards transpercer le noir. Ont-ils un message à nous faire passer ? Et si l’homme arrivait à établir une communication d’âme à âme. Le mot animal en latin signifie âme. Comment a-t-on pu s’éloigner de toute vie différente à la nôtre. La communication inter espèces basée sur la méditation, la télépathie ou le dialogue intuitif crée un pont entre 2 espèces, entre 2 sensibilités. Tel est l’enjeu de ce livre. La sensibilité réunit humains et animaux, tout individu devrait pouvoir s’harmoniser avec l’Autre sans sacrifier sa propre individualité.
Toute vie se décline en cycles, alors considérer l’animal comme frère inférieur devrait aujourd’hui laisser la place à un respect fondamental pour toute espèce qui se distingue de celle humaine.
Notre regard doit changer, des centaines d’associations, d’activistes parfois au péril de leur vie, luttent chaque seconde pour rendre à l’animal ce qui est lui est dû : sa dignité d’être. La philosophe Corinne Pelluchon parle de la question animale qui nous force à ouvrir les yeux sur ce que nous sommes devenus. Elle est l’un des chapitres essentiels de la critique d’un modèle de développement déshumanisant, fondé sur l’exploitation sans limites des autres vivants. Marie Pierre Hage, en écrivant ce livre a tenu sa promesse de servir de sa plume pour alerter, informer, transmettre. Le vieux loup lui en sait gré.
Il existe au pays des Inuits, des chants de gorge déclinés sous forme de jeux traditionnels d’expression orale que l’on apelle des Katajjaq.
En voici un qui devrait nous faire réfléchir ainsi que ce livre indispensable, documenté avec soin, riche de sens : véritable pierre angulaire d’un combat dont il ne faut rien lâcher. « Dans les tous premiers temps, lorsque les hommes et les animaux vivaient sur la terre, une personne pouvait, si elle le voulait , devenir un animal et un animal pouvait devenir un être humain. Parfois, ils étaient des hommes, et parfois ils étaient des animaux, et cela ne faisait aucune différence. Tous parlaient le même langage ».