On débute ce prologue, subtile mise en bouche poétique , sur le coup de foudre, dans tous les sens du terme. J’y ai retrouvé le rythme frénétique des désillusions, une ville ou tu marches ou tu t’effondres mais où tout est possible. J’ai senti le bitume caniculaire de l’été new yorkais ou l’on n’a que d’autre choix que de se terrer n’importe où, du moment qu’il y ait la clim.
Les déambulations de l’un, les errances de l’autre, les croyances de l’une, les peurs des autres, tout est habilement imbriqué, dans une très belle maîtrise littéraire. Au lendemain de l’effondrement des tours jumelles, le complot, la suspicion, les conspirations imaginaires ou réelles entretiennent la paranoïa ambiante et l’on encourage à dénoncer son voisin si il vous semble « suspicious ».
Le personnage principal est l’île même de Manhattan, le roman est nerveux, la skyline de NY est aussi déchirée que le sont nos héros. Cette écriture n’est pas sans rappeler celle du « Bûcher des Vanités » de Tom Wolfe, un cran en dessous : on se sent invincible à NY et le moindre grain de sable dans le système peut faire crouler nos certitudes dans une fresque abracadabrante.
Désenchantement à fleur de peau, ce n’est pas tant ce qui arrive aux protagonistes qui importe, mais bien plutôt ce qui ne leur arrive pas, ce qu’ils se sont mis dans la tête pour arriver quelque part, en un mot pour exister. Exode, identité, déracinement sont les thèmes majeurs de ce roman. Christopher Bollen nous dévoile un cocktail savoureux et nerveux empreint de nostalgie et de poésie. Il ne fait pas dans le politique et c’est tant mieux, il fait juste dans l’humain, simplement, en mélangeant roman, policier. Tous les genres sont permis : à l’image de NY.
Un conseil en passant, si vous avez aimé cette écriture et cette sensibilité, lisez « Long Island », du même auteur, qui vient de paraître.