C’est un roman solaire et une bien belle surprise ! Tout d’abord la forme : les petits chapitres clairs distillés tout au long du roman sont autant de goulées savoureuses d’ouzo que vous buvez au soleil couchant sur fond bleu grec.  Personnage principal : il y en a plusieurs tout compte fait. D’abord l’île de Kalamaki  sur laquelle vit une flopée de personnages : au café du coin, au marché aux poissons, ça grouille, ça s’agite et l’agitation, Yannis l’enfant roi, n’aime pas trop ça. Dans son monde verrouillé de l’intérieur et muré dans ses  calculs imaginaires, il tente de freiner le temps et le changement, de le contrôler.

« L’enfant avait sa propre conception de l’ordre du monde, qui était bien différente de celle de Zeus. Bien plus belle, aussi. Il en mesurait chaque jour les variations de la manière la plus juste, et il le restaurait par la grâce de ses pliages. Il n’avait rien à apprendre du mythe des Titans. C’était lui qui détenait la vérité »

Sa rencontre avec Eliott, architecte étranger en deuil de sa fille, va petit à petit prendre la forme d’une amitié à demi-mots, à force d’écoute, de dessins, l’essentiel est dit.

Ce qui m’a semblé très juste dans ce roman : le poids de la Grèce Antique portée par ses philosophes et ses théâtres antiques face à l’intrusion extérieure économique, qui pousse à bouleverser, à construire, pour relancer l’économie d’un pays qui vacille: en un mot, à provoquer le changement.

C’est un roman sur l’innocence, l’amitié, l’autisme, « cet enfant porte en lui toute la douleur des hommes. L’immense solitude et l’impossibilité désespérante de s’ouvrir à l’autre ». Sur  la solidarité, le deuil, la Grèce : j’y ai retrouvé toutes les composantes de ce pays merveilleux – de l’âpreté du maquis, aux courbes douces et ondulées des criques Méditerranéenne.

Il se lit un peu comme un précis de philosophie : une réflexion sur la beauté, « ces jours ci une question me revient sans cesse : qu’est ce que la vie peut nous offrir de plus beau ? deux choses je crois  totalement opposées : d’abord une énorme lucidité. D’un coup ce que tu regardes est comme éclairé de mille projecteurs, tu comprends tout. Et puis le contraire absolu. La capacité de rêver. D’imaginer ce à quoi on n’oserait pas même penser ».

L’auteur Metin Arditi nous dévoile un réalisme poétique qui donne de belles vibrations au roman. La fable d’un enfant qui se fait apprivoiser par un homme, ou peut être l’inverse devrais-je dire ?

Alors si Yannis veut capter l’ordre du monde, Eliott nous en donne une belle définition. Peut – être est-ce cela le bonheur ?

« Je crois que c’est ça, l’ordre du monde, tu sais Yannis. C’est quand tu ne peux pas savoir à l’avance comment les oiseaux vont crier, ou comment le meltème va souffler entre les pierres, ni quand la mer va s’écraser contre le parapet. Mais tu es heureux d’écouter ces bruits comme ils viennent à toi. L’ordre du monde, c’est quand tu es heureux. Même si les choses changent »

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