« Alors comme ça, t’as pas crevé » balance une mère à son petit garçon de 12 ans de retour de plusieurs jours d’errance dans la steppe de Patagonie.
Voilà le genre de remarque qui vous claque au visage : c’est aussi le quotidien de Rafael au sein de l’estancia familiale où les cris des moutons se mêlent à la sueur des hommes.
8 ans plus tôt l’enfant va ployer sous les coups répétés et les humiliations de ses trois frères qui font la loi. Partagé entre une peur omniprésente et un qui vive quasi animal, il continue d’encaisser et fait de la nature et des bêtes ses plus fidèles alliées avec cet espoir fou que la roue tourne : une partie de poker peut -être ? La « mère », elle, détourne le regard. Trop occupée à ne pas voir et hantée par ses propres démons, elle reste inflexible dans son indifférence.
Sournoisement le rapport de force va s’inverser et le vent tourner dans ce huit clos étouffant. Rafael est fluet comme un lutin, mais son esprit est vif et intuitif porté par une sourde colère teintée de révolte et un sacré instinct de survie. Tout « comme les grands fauves il porte en lui la conviction que l’autre finit toujours pas commettre une erreur ».
Sandrine Collette signe ici un récit noir implacable qui en impose grâce à un style épuré et puissant, où de rares dialogues arides alternent avec de profonds silences.
La relation homme animal est sublimée dans ce très beau roman, car si les hommes n’arrivent pas à communiquer entre eux, l’animal lui, a toute sa place de confident, protecteur et sauveur.
« Une vie de résignation et de poing levé au ciel n’attend pas qu’on ait envie d’y mettre les mains. » Ce poignant portrait d’enfant nous rappelle que tout être porte en lui une immensité qui affleure ne demandant qu’à s’exprimer.