Un témoignage coup de poing et un ouvrage – phare reflet d’une lutte incessante contre toute forme d’exploitation des animaux dans les rues de la capitale. Voilà un livre qui fait état de toute la sauvagerie d’une réalité devant laquelle nous passons tous les jours, le plus souvent en détournant le regard. Forcément nous ne savions pas tout : maintenant nous savons.  Archétype, l’auteur de cet ouvrage essentiel, nous relate dans un style efficace, nerveux et haletant,  plus de 10 années de sa vie d’activiste.   C’est le portrait d’un homme d’action vitale et une plongée parfois cocasse dans une société qui veut en ignorer ses bas-fonds. Passant de peu à côté de la mort et sujet à des rêves éveillés qui le maintiennent dans un état semi conscient, un souvenir d’enfance  le  marquera  au fer rouge : autant d’éclats de vie qui l’amènent un jour à agir en faveur d’une lutte incessante contre l’exploitation animale dans les rues de la capitale.

« Avant je n’avais rien à transformer, juste à disparaître » nous dit il. Je n’ai jamais eu autant le sentiment de pouvoir agir pour le monde qu’en sauvant des animaux. Pas pour la société, pour le monde. Ils constituent notre dernière connexion avec la réalité. Une réalité fondamentale, magnifique et indicible, reniée au profit  de celle que nous nous sommes construite ».

Ses débuts comme enquêteur pour la SPA, au sein d’un collectif dans un abattoir, pour une association de placement d’animaux , rien n’arrêtera ce sentiment d’urgence. Il faut sauver les animaux pour en quelque sorte, se sauver soi. Malgré des débuts laborieux, ne trouvant pas sa vraie place et de retour à Paris, il rencontre Séraphine spécialisée dans le retrait des animaux aux Roms sans abris. Commencent à se dessiner les contours d’un trafic tentaculaire sous le contrôle d’une mafia des pays de l’Est.

« Des chefs de gang allaient personnifier tout ce contre quoi je lutterai pour les années à venir, et ils seraient le catalyseur du conflit entre mon désir de justice, ma rage et ma pitié qui se jouerait dans ma conscience en permanence » nous dit il.  « Ce n’était plus seulement l’exploitation animale mais aussi l’exploitation humaine qui se déroulait à la vue de tous et en même temps en dehors des regards, car les animaux sont des objets, et que les mendiants font partie du décor. La mafia n’avait qu’à se fondre dedans. »

Au moment de chaque sauvetage voilà ce qu’il nous dit : «  La vulnérabilité de ce petit corps chaud contre le mien me terrifie car je n’ai pas le droit à l’erreur : c’est cette terreur qui me donnera à chaque fois des ailes, même avec le cœur qui frappe contre ma poitrine, le stress au ventre et les jambes coupées ».

C’est une guerre sans merci et de chaque instant, entre un petit groupe d’individus et une mafia tentaculaire.

Planques stratégiques, effet de surprise, surveillance sans violence,  chaque jour est différent et porteur de sensations froides. La rencontre d’Archétype avec Eden, jeune femme qui rejoint son cœur et sa cause, sera déterminante. Les évènements tragiques de Paris et Nice rajouteront de l’effroyable  à un quotidien déjà obscur . Pourtant, chaque jour il trouvera cette force de plonger ses yeux dans ceux de ces chiens et chats si éloignés de leur nature originelle et semblant hériter de la même perplexité existentielle que lui. De façon insidieuse, la fragilité de la vie résonne en lui.  « Vouloir sauver des vies de ce chaos revenait à descendre soi même à l’intérieur d’un puits sans fond débouchant sur un gouffre béant » : les ramifications d’un tel trafic, en surface, mais aussi sous les pavés de Paris finissent par altérer et effriter sournoisement la détermination d’Archétype.

Sauver, oui mais pour quoi ? Pour être remplacés dès le lendemain par d’autres animaux sur le macadam parisien ? Une histoire sans fin. Ce témoignage est bouleversant, un récit cru et rapide et forcément indispensable : une plongée dans les bas fonds des questionnements d’un activiste, en face à face avec la douleur, l’oppression, la résignation, la culpabilité, la colère, et parfois le soulagement d’avoir osé, et d’avoir sauvé. Mais pour combien de temps ? C’est donc à une réflexion sur notre nature et plus généralement  sur la Nature que l’auteur nous convie. A lire d’urgence. En préfaçant cet ouvrage, le grand cinéaste Yan Kounen nous rappelle qu’Archétype parle de notre époque et  qu’il la regarde par une fenêtre inconnue, et quand la forêt brûle, cela fait sens  de lire le témoignage d’un colibri. Il n’y fait pas l’apologie de ses actions mais juste un état des lieux d’une misère humaine et animale fondue dans notre réalité de tous les jours.

« Je n’ai pas fini de faire face à la violence, à l’avilissement, à la vie qui tombe en poussière. Vous non plus ».

D’une certaine manière, sauver les animaux, c’est sauver ce qui reste du monde. Au pire nous nous réveillerons après avoir chuté

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