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En lice pour la 5ème édition du prix Maya 2024 – couronnant un ouvrage engagé pour la cause animale – la bande dessinée « EXTREME – ASSUMER ENFIN SON AMOUR POUR TOUS LES ANIMAUX » a une saveur irrésistible tel un guide de survie en terre hostile pour toutes celles et ceux qui ont décidé de se ranger du côté des animaux. Humoristique et éclairant, ce livre est un véritable outil de vulgarisation efficace et savoureux. Sara Cuadrado s’empare de sa plume et de ses crayons alertes, ironique et sans langue de bois, pour contrer arguments de tous les jours et assumer enfin son amour pour tous les animaux. Car oui, aujourd’hui, être du côté des animaux est un combat, tant la question animale est devenue question sociale, clivante et polémique. Il faut savoir de quoi nous parlons et c’est là tout le propos et l’enjeu de cette bande dessinée pour tout âge : évoquer un sujet grave et de société, en utilisant l’ironie, le décalage et la dérision comme nuancier.
Son virage à elle c’est en 2016 qu’elle le négocie, en visionnant des vidéos d’abattoir. En questionnant ici notre rapport à ces êtres vivants non humains elle nous invite à assumer pleinement l’envie de les défendre et de ne plus consommer leur chair, au risque de trouver cela …. Extrême. Ses premiers pas, ses difficultés, ses hésitations, sa conviction, elle en fait son affaire, pour que cela devienne moins ardu pour nous et que ce parcours du combattant ne soit plus qu’une promenade de santé. Durant nos premières années sur terre on nous enseigne la différence entre certains animaux doux et gentils qui méritent notre attention et, d’autres féroces, à éviter, n’attisant que notre peur viscérale. Les étiquettes sont collées, les animaux sont catégorisés : animaux sauvages, de compagnie, de ferme et puis, les nuisibles. Et pourtant, tous ressentent des émotions. L’enfant grandit avec ce principe de base : l’homme décide de la place de l’animal sur terre. La suicide food – cette représentation d’animaux agissant comme s’ils souhaitaient être débités en morceaux pour nos papilles- joue très largement sur ce rapport entretenu avec l’animal. C’est insidieux et cela inonde les écrans tv. D’animal on passe à produit : d’individu il n’y en a plus, que des morceaux sous cellophane enrobés d’un rachitique brin de persil au repas dominical. Parfois la dissonance cognitive nous rend chèvre : nos actions ne sont plus compatibles avec nos goûts, nos opinions ou nos élans du cœur.
Les premiers animaux sont apparus il y a environ 600 millions d’années. Les bipèdes eux, entre un million d’années et 140 000 ans. D’abord agriculteurs ils se sont ensuite décidé à entamer un processus de domestication, le chien descendant du loup en est un parfait exemple. Le progrès fait apparaitre l’élevage industriel : la révolution est en marche. Les animaux de rente ont dès lors, de bien funestes et interminables journées en perspectives. L’élevage mondial représente à lui tout seul, 14,5% des émissions de gaz à effet de serre. L’humain a t’il vraiment tous les droits ? Exploiter un animal pour se nourrir, se divertir, s’habiller en fait une ressource. La discrimination d’une espèce par rapport à une autre, le spécisme, envahit nos modes de pensées très sournoisement. Une sorte d’habituation au sort intolérable que nous leur réservons, avec 44 000 animaux tués par seconde dans le monde.
Quand quelque chose n’est plus acceptable pour nous, il est libérateur de s’en extraire en exprimant ses émotions. C’est le premier pas vers la dénonciation d’une injustice. Le mieux est alors de bien s’entourer. De tout temps les mécanismes de discrimination ont touché sexes, races et aujourd’hui espèces. L’analyse de Clara Cuadrado se penchant sur nos prises de bec est pertinente et très instructive : en mettant en forme et en couleur des scènes de la vie ordinaire, elle nous fait prendre beaucoup de hauteur face à certaines situations maintes fois vécues comme celui qui vous charrie devant 10 convives et vous traite de personne fade au vu de votre assiette de légumes et de féculents alors que la sienne regorge de couenne saignante : comment y faire face en tenant le débat, sans vriller dans la colère ?
Changer d’alimentation est un véritable cheminement personnel et intérieur, impliquant bienveillance et compassion pour les 2 espèces. Une seule information peut parfois nous faire changer de mode de vie. Il ne faut jamais sous-estimer la force du pouvoir de perception. Clara Cuadrado nous enjoint de ne jamais éprouver de honte à préférer laisser la vie sauve à une poule plutôt que de l’enfourner. Cependant toutes ces belles théories ne valent rien sans la pratique : l’autrice nous délivre un certain nombre d’astuces incontournables et bien pensées pour ne pas se laisser déborder par la panique, y voir plus clair dans l’accomplissement de ce chemin de vie car c’en est un ; surtout lorsque nous décidons un jour d’épargner d’autres vies animales. Changer de paradigme c’est aussi changer nos habitudes d’achat pour se vêtir, se maquiller, laver notre intérieur, se divertir. L’avocat du diable – représenté par un diablotin vert cornu en forme d’avocat bien sûr- ne cesse de nous pousser dans nos retranchements pour nous faire faillir : ‘C’est bien beau de boycotter mais comment faire en société ‘ ?
Détracteurs et opposants s’enflamment autour d’un bout de tofu ou d’une côtelette. La nourriture c’est sacré ! Touche pas à ma cocotte ! L’autrice détricote pour nous un grand nombre d’idées reçues et de mythes qui ont la peau dure. Quand un jour la bascule se fait en passant de l’autre côté, cela n’empêche nullement les autres de continuer de vous railler, de vous décrédibiliser ou de vous culpabiliser. Certaines réactions peuvent être anxiogènes et épuisantes. Quand l’humain ressent ce déclic qui l’amène à une compassion généralisée, quand le cœur prend le gouvernail de sa fourchette et de toutes ses habitudes, toute remarque moqueuse glisse sur lui comme sur les plumes d’un canard. Il est prêt au changement.
L’expérience personnelle de l’autrice passe par une forme de déconstruction profonde d’habitudes de vie prises depuis l’enfance, pour atteindre cette légèreté quasi miraculeuse de se savoir en accord avec ses principes. Ce témoignage sous ses allures de saynètes cocasses est bien plus profond qu’il n’en a l’air et c’est là tout le talent de Clara Cuadrado. Cet ouvrage est un réel outil d’apprentissage à mettre entre toutes les mains, le message est précieux, combiné à des dessins généreux et cocasses de quoi nous ravir, nous instruire pour se sentir ENFIN EXTREME… ment bien !